Le discours de la dégustation : des métaphores entre lexicalisation et séduction
Résumé
En se fondant sur un corpus de notes de dégustations, nous désirons interroger le statut stylistique d’un lexique à cheval entre technicité et poétisation. Il s’agit de comprendre comment, dans le genre textuel de la dégustation, s’articulent l’analyse perceptive et une isotopie hédoniste latente.
Au sein d’un lexique aux nombreuses analogies sensorielles, nous nous interrogerons sur certaines tendances synesthésiques au statut stylistique incertain. Quand l’analyse gustative évoque le caractère « friand », « juteux » ou « salivant » d’un vin, la perception en bouche est partagée entre dimension descriptive et subjective. A cet égard, une typologie laisse apparaître un continuum entre métaphores lexicalisées (la « mâche ») et métaphores beaucoup plus ouvertes à l’interprétation. On pourra ainsi s’interroger sur ce qu’est un vin « caillouteux », ou doté d’un « cœur de bouche sphérique et délicat », ou encore dont on décrit l’« énergie ». Certains termes, comme « moelleux », alternent même entre une interprétation technique (« moelleux » comme sucrosité intermédiaire entre « sec » et « liquoreux ») et une autre plus sensorielle (« moelleux » comme perception de texture).
La complexité des représentations construites par ce lexique fait appel à diverses dimensions où convergent précision technique, affectation littéraire, traditions culturelles et textuelles. Il se dégage d’une telle poétisation lexicale un discours de valorisation du vin tendu entre analyse technique, promotion commerciale et éthos de légitimation de la dégustation.