. Dans-le-concert-européen,

D. Et,

, voire de relique ; elle révèle également l'obsession que recèle cet objet, tant pour le « pharmacien » 44 , que pour le je, même si ce dernier n'apparaît que furtivement. Par son entremise, il s'agit pour le contemplateur de pénétrer dans l'intimité d'une femme fantasmée, et ce d'autant plus que celle-ci appartient à « des jours lointains », d'en percer les mystères. Le sphincter de la dame semble alors retourné en une variante fumiste du sphinx, porteur d'un « secret » qui ne sera jamais dévoilé. Par conséquent, par l'objet et les projections fantasmatiques qu'il suscite, l'oeil de l'observateur cherche à voir autre chose, à percevoir un au-delà. Mais cela est rabaissé : il s, L'observation méticuleuse de cet objet finement ciselé, ouvragé, conservé dans un écrin tout aussi luxueux, donne à celui-ci une dimension d'objet fétiche

, ce dernier se fantasme clysoir à pompe, autre instrument servant aux lavements, associant une poire, reliée par un tuyau à une pompe qui permet un jet continu. Le champ lexical de la vue sert de fil conducteur, et permet par-là même au je de se rapprocher de la dame : N'auriez-vous pu, madame, à mes regards cacher

, Le bijou dont je parle était un clysopompe ! Jamais on n'avait vu pareil irrigateur ! Orné d'un élégant tuyau jaculatoire, Vers le ciel il tendait sa canule d'ivoire. Spectacle sans égal pour l'oeil d'un amateur ! Sur la table de nuit dans l'ombre et le mystère

. Mais-qu'importe-si-j'ai-d'un-regard and . Indiscret, De vos ablutions pénétré le secret ! Ce qu'il faut vous conter, c'est que la nuit suivante Un cauchemar affreux me remplit d'épouvante : J'ai rêvé... que j'étais clysopompe à mon tour, De vos soins assidus entouré nuit et jour. Vous me plongiez soudain au fond d'une cuvette, Vous pressiez mon ressort d'une main inquiète

, Et moi je savourais l'horizon grandiose Que je devais, madame, à ma métamorphose

, Si bien qu'en m'éveillant je m'étais convaincu D'avoir toute la nuit contemplé votre

L. Ici, Les différentes acceptions du mot oeil se superposent, se contaminent les unes avec les autres, à l'aune d'un sujet-voyeur qui se confond avec un objet voué à prodiguer un clystère. La vision, elle aussi multiple, en tant que sens et représentation mentale imaginaire, sert de lien intime entre ces éléments disparates. Enfin, le je voit tout autant qu'il se donne à voir. Devenu à son tour un « bijou » appartenant à une panoplie féminine fantasmée, il peut être rangé aux côtés des autres bibelots intimes précédemment cités. L'accès à une vision au-delà du monde sensible réservée traditionnellement au poète, s'il semble refusé au je-poète chatnoiresque, est à son tour métamorphosé : ce sont des visions, aux variantes tout aussi étendues

F. De-pots-de-chambre, intimité fin-de-siècle peut passer pour une provocation au mieux culottée, au pire de mauvais goût ; d'autant que ces objets n'ont rien de nouveau en matière de satire sociale ou politique et semblent même en constituer un passage obligé. Pourtant, plus qu'une réappropriation finiséculaire du carnavalesque, qui se manifeste notamment par un renversement des hiérarchies et favorise de ce fait le « bas productif »46 , la mise en scène de ces objets touche à plus intime qu'il n'y paraît. Le motif de la purge sert de façon surprenante à Georges Fragerolle pour définir l'esthétique fumiste

L. Fumisme, Qu'y a-t-il en somme de plus profondément fumiste que le pruneau qui se présentant sous les dehors les plus bénévoles renferme dans ses entrailles des révoltes inattendues47 ?

, il s'agit pour ces artistes de donner leur vision personnelle, quoique collective, sur fond de crise fin-de-siècle de l'idéal, des dysfonctionnements poétiques. Si le rapport à l'objet intime tend par définition et par obligation sociale à être individuel, cela est dévié par ces artistes en une pratique rituelle visant à montrer le groupe dans son unicité et porter un même regard, Sous les « dehors » trompeurs d'une conception littérale de l'intimité

, qui devient un lieu de rassemblement des artistes bohèmes et marginaux, jusqu'à sa fermeture en janvier 1897. Pour en assurer la promotion, Salis crée, avec le poète Émile Goudeau, une revue éponyme qui paraît chaque samedi, de janvier 1882 à septembre 1897. Éclectique, elle est composée de chroniques, illustrations, contes, poèmes ou encore fumisteries d'artistes célèbres comme inconnus

L. Bloy, Le fond des coeurs, vol.143, pp.4-1884

. Id,

, Nous nous référons à sa version en ligne

G. Legrand, Dictionnaire de philosophie, 1983.

G. Auriol and ». Cn, , vol.250, pp.23-1886

. A'kempis, « Un Deuil, vol.15, pp.22-1882

. Id,

A. Willette, ». Pierrot-attristé, and . Cn, , vol.19, pp.20-1882

. Id,

R. Salis and C. Messer-satanas-dans-le-drageoir-aux, , vol.139, pp.6-1884

L. Trésor-de-la-langue-française,

, Un drageoir sert précisément, comme son nom l'indique, à contenir « les dragées et autres confiseries

L. Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien -L'argot ancien et l'argot moderne (1878), nouvelle édition avec supplément, p.244

. Ibid, La définition du fumisme repose d'ailleurs sur ce terme. Voir notre article « "Soyons fins ciseleurs d'étrons" ? ? De l'art de bien faire dans Le Chat Noir », Ian Geay (dir.), Monstre végétal -Écologie de l'imaginaire, Amer, Revue finissante, sixième floraison, p.314, 2014.

R. Salis, « Comment fust le sieur Jehan Faulcon piteusement desbouté par une oiselière qui avoit nom Blanche, André Velter, Les Poètes du Chat Noir, pp.85-87, 1996.

L. Rigaud, , p.48

C. Virmaître, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, p.95, 1894.

. Le, la roue"), de la face et du derrière » (Mikhaïl Bakhtine, L'OEuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, notamment, par la logique originale des choses, p.19, 1970.

D. Grojnowski, B. Sarrazin, and L. , Esprit fumiste et les rires fin de siècle, José Corti, p.10, 1990.

. Doës, Intempestive substitution, vol.333

«. Godefroy and . Intermède, , vol.340, pp.21-1888

M. Renault, Le Bayser perfeumé -Comment le sire de Continvoir voulust bayser le visaige d'ugne pucelle et le treuva non tel que cuydoyt (Suite et fin) », CN, n° 302, 22 octobre 1887. Dans ce conte, suite à une mystification de ses serviteurs, Continvoir est pris « de male paour, et par relaschement anal causé par lez clystères, avoyt conchié toutes ses chausses des genoils iusques à la braguette

A. Willette, ». Pierrot-attristé, and O. Cit, Le cercueil qui attend Pierrot est en effet entreposé à côté des cinq pots de chambre

L. Henséling, « Cas de conscience », CN nvl s. n° 86, 21 novembre 1896. Notons que conscience, en argot, signifie ventre, estomac, p.109

R. Guerrand, , p.78, 1985.

, « Il est recommandé de se purger au moins une fois par semaine », est-il écrit sur une publicité pour le Purgatif Géraudel à laquelle la revue concède une pleine page (CN, n° 444, vol.19

. Id,

A. Allais, ». Le-railleur-puni, and . Cn, , vol.260, pp.1-1887

F. Fau and . Dessin, , vol.292, pp.13-1887

V. Hugo and . Préface, , p.5, 1912.

L. Bloy,

V. Hugo, Fonction du poète », Les Rayons et les Ombres, OEuvres complètes, p.540, 1909.

C. Baudelaire and ,. Hugo, OEuvres complètes, éd. Claude Pichois, tome II, Réflexions sur quelques uns de mes contemporains (1861), p.133, 1975.

A. Rimbaud, Lettre à Georges Izambard, mai 1871, OEuvres complètes, éd. André Guyaux, Aurélia Cervoni, p.340, 2009.

, Tel est le titre que Piero Lorenzoni donne à son ouvrage : La giuliva siringa : storia universale del clistere, 1969.

, Précisons que ce poème est dédié à Alphonse Allais, lequel a fait des études de pharmacie

, Les Poètes du Chat Noir (anthologie), pp.340-341, 1996.

M. Bakhtine,

G. Fragerolle, ». Le-fumisme, and L. Hydropathe,

C. Caroline and . Pots-de-chambre, clystères et canules dans la revue Le Chat Noir », Sociopoétique