, L'expression « version de la pastorale » que nous employons pour qualifier la pastorale frostienne est une qualification utilisée par William Empson dans son ouvrage de 1935, Some Versions of the Pastoral (London: Chatto and Windus), et reprise par Leo Marx dans son étude The Machine in the Garden, Technology and the Pastoral Ideal in America, p.132, 1964.

R. Faggen, The Cambridge Introduction to Robert Frost, p.15, 2008.

. Frost, terme plus général de « naturalist » ou « nature writer », qui est davantage problématique (et anachronique pour l'époque frostienne) dans le sens où il débouche ensuite sur le champ l'harmonie du lien social tel que conceptualisée par la pastorale antique, et ancre ses personnages dans une réalité financière difficile, où la discussion entre les protagonistes n'est plus une discussion de bergers, mais celle d'un travailleur et d'un oisif, sur fond de lutte des classes. Comme le résume Faggen, pour décrire cette tension inhérente à la « poésie géorgique moderne » de Frost : « Frost plays on old tensions and adds to them in ways that encompass more modern concerns about work, p.19

, Frost-(re)lecteur des tradition passées de la pastorale n'est donc pas un imitateur, mais bien un commentateur inspiré de ce genre qu'il renouvelle en en donnant sa propre version et en l'associant à la forme longue. Ce faisant, il sacrifie à la « discipline de la tradition » 20 sans pour autant renier son originalité propre. C'est ce mouvement d'appropriation et de renouvellement d'une tradition héritée, qui lui a souvent valu d'être considéré, à tort, en son temps comme un artiste trop sagement traditionaliste, donc en décalage par rapport à la liberté extrême des mouvements moderniste et imagiste qui rétrospectivement dominent la période, CONCLUSION La centaine de poèmes longs qui structurent les recueils parus entre, 1915.

, Cette tendance à (re)faire du neuf avec de l'ancien, qui consiste à réutiliser, revitaliser et détourner ce que la tradition a laissé en héritage, reflète la tension constante qui parcourt l'oeuvre frostienne quant à son positionnement. Si le poète se situe en tension entre l'héritage poétique traditionnel et sa propre modernité, entre formes héritées et le projet de libre expérimentation proposé par ses contemporains, c'est parce que sa nouvelle version du genre pastoral, portée notamment par ses poèmes longs, représente ainsi autant de façons pour Frost d'illustrer sa « manière désuète d'être novateur

R. Faggen, The Cambridge Companion to Robert Frost, p.50

, His way to be original is to accept a traditional discipline without sacrificing individuality » (Reginald L. Cook. The Dimensions of Robert Frost, p.207, 1958.